En effet, dans le projet amélioré de 1973,
les voitures devaient circuler à découvert en face de l'lle Saint-Louis
et du chevet de Notre-Dame puis sur toute la longueur du petit bras de la Seine,
dit du bras de la Monnaie, entre le Petit Pont et le Pont Neuf. Et partout où
la voie devait être enterrée, les belles plantations des quais bas
auraient été atteintes ou menacées. Or, la défense
du site de Notre-Dame était bien évidemment au coeur des préoccupations
des dirigeants de l'Association.
D'autre part, l'amélioration de la circulation automobile par la voie
express rive gauche devait être marginale, de faible durée et sans
commune mesure avec l'ampleur des problèmes posés par cette circulation
dans l'agglomération parisienne. L'existence de cette voie risquait même
de jouer un rôle d'aimant en favorisant le développement de la circulation
automobile dans Paris. Enfin, cette opération se révélait
très coûteuse et devait représenter plus du tiers du budget
annuel total d'investissement de la Ville de Paris et ces fonds pouvaient être
affectés de manière plus rentable socialement.
Pendant quatre ans, nos dirigeants associatifs multiplient contacts, démarches,
interventions et manifestations. Conscients que ce projet avait été
élaboré dans la plus grande discrétion par la Direction générale
de l'Aménagement urbain et que le Conseil de Paris avait été
saisi tardivement et informé incomplètement sur un projet présenté
sous son jour le plus favorable, ils rencontrent les fonctionnaires des diverses
administrations concernées et collectent des informations précieuses
qui permettront d'argumenter dans la brochure de 1973 largement diffusée
pour ce combat.
Mais le grand obstacle à leur action était constitué par
la position du Président POMPIDOU qui avait manifesté dès
1967 l'intérêt qu'il portait à la création de cette
voie. Inaugurant en qualité de premier ministre la voie-express rive droite,
dont la création lui devait beaucoup, il exprimait le souhait qu'elle soit
bientôt doublée par une voie analogue sur la rive gauche. Il en avait
fait une affaire personnelle qui lui tenait manifestement à coeur et était
intervenu à diverses reprises dans l'élaboration du projet. A la
suite d'une lettre collective signée par une centaine de personnalités
du monde des lettres, des arts , de la haute administration et des affaires, il
répondit par une lettre irritée en date du 8 décembre 1972
qui est reproduite dans la plaquette de l'Association «Dix ans de combat
pour le site de Notre-Dame 1970-1980». Et la prise de position du Président
POMPIDOU en faveur du projet joua un rôle d'autant plus important qu'elle
commanda l'attitude des nombreux ministères qui avaient à intervenir
dans l'opération. Cependant, le projet de la voie-express était
l'objet, dans plusieurs de ces ministères ou certains de leurs services,
de très sérieuses réserves, voire d'une opposition complète.
On contestait son utilité pour la circulation, on soulignait son coût
très élevé, on redoutait ses conséquences pour l'environnement.
La voie-express rive gauche qui devait être créée devant
être une voie urbaine, il appartenait au Conseil de Paris d'en décider
la création. Il le fit en 1971 et il en approuva en 1973 le projet définitif.
Mais, au sein de ce Conseil, les positions de la majorité comme celles
de l'opposition ne furent ni simples, ni nettes et le vote de la majorité
fut motivé autant par discipline que par conviction. Nos dirigeants associatifs,
informés de cette situation, font tous leurs efforts pour retarder la réalisation
du projet.
Sur leurs instances pressantes, deux conseillers de Paris présentent
et font adopter le 15 novembre 1973, deux amendements qui prévoient une
étude complémentaire de l'aménagement de la voie dans le
bras de la Monnaie.
Lors de la campagne électorale pour l'élection présidentielle
de 1974, l'Association adresse aux candidats une lettre pour les sensibiliser
au problème. Valéry GISCARD D'ESTAING et François MITTERRAND
y répondent en exprimant de sérieuses réserves sur ce projet.
Peu après l'élection, le 12 juin 1974, l'Association organise
une importante manifestation de Notre-Dame à l'Hôtel de Ville qui
rassemble plus de 2000 personnes appartenant à une soixantaine d'associations
nationales, régionales ou parisiennes. Six jours plus tard, un communiqué
de la Présidence de la République rend publique la décision
de retrait de la subvention de l'Etat à ce projet. Or, cette subvention
représentant 40 % de la dépense, cette position avait pour conséquence
de condamner pratiquement le projet. Par décision du 17 septembre 1975,
le Conseil de Paris décide de rayer la voie-express rive gauche du schéma
directeur de la capitale.
L'abandon de ce projet constitue pour l'Association un grand succès
qui vient couronner quatre années d' une inlassable et courageuse activité.
Cette victoire permet d'aborder un autre objectif de l'Association : la rénovation
des berges de la Seine.
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